Le Morane type H de l’AJBS
Construit en 1988, c’est une réplique exacte du modèle original, doté d’un authentique moteur Le Rhone 80 CV.
Cette reconstruction faite par l’AJBS, conduite sous la houlette de Jean Salis, appuyé par l’ingénieur Roland PAYEN, fut surtout réalisée par Marcel Bellencontre et René Ducalet, aidés d’une poignée de bénévoles motivés.
L’histoire du Morane Saulnier
et du Morane Type H
La société Morane Saulnier
Le 19 juillet 1910, à Issy-les-Moulineaux, les frères Morane (Léon et Robert) furent les premiers pilotes au monde à dépasser les 100 km/h, avec une pointe à 106,508 km/h.
La société fut créée sous le nom de « Société Anonyme des Aéroplanes Morane-Saulnier » le 10 octobre 1911 à Puteaux par 3 pionniers de l’aviation; les frères Robert et Léon Morane associés avec Raymond Saulnier.
Léon Morane, Robert Morane Raymond Saulnier
En septembre 1912, Georges Legagneux avec un Morane-Saulnier type H arrache à Roland Garros le record d’altitude que celui-ci vient d’obtenir à Houlgate sur un Blériot XI. Approché par Morane et Saulnier, Garros décide de passer au service de la jeune firme du boulevard Péreire : il achète de ses propres deniers l’appareil de Legagneux et part à Tunis reconquérir son record (5 610 m homologués par l’Aéro-Club de France en décembre) avant d’effectuer un raid Tunis-Rome en décembre 1912, qui lui permet d’être le premier aviateur à avoir relié d’un seul coup d’aile deux continents (l’Afrique et l’Europe).
En 1913, Marcel Brindejonc des Moulinais effectue un tour d’Europe sur un Morane du même type. Cet exploit est suivi quelques mois plus tard par la traversée de la Méditerranée par Roland Garros sur le même appareil équipé d’un moteur de 60 cv en 7 h 53 min.
En avril 1914, Raymond Saulnier dépose le brevet d’un dispositif de synchronisation du tir à travers le champ de l’hélice. Mais ce n’est pas ce brevet qui est mis en œuvre sur les Morane, c’est une idée de Saulnier qui consiste à blinder l’hélice avec des « déflecteurs » d’acier destinés à dévier les balles qui viendraient à frapper l’hélice en bois. C’est ce système que Roland Garros se chargera de mettre au point avant de l’adapter sur un Morane « Parasol » type L, avec lequel il obtiendra en avril 1915 trois victoires en quinze jours (les 4e, 5e et 6e victoires de toutes les armées alliées). Curieusement, un système qui avait donné des résultats aussi probants ne parvint pas à séduire les autorités militaires françaises. Il ne fut adapté que sur quelques Morane de type N, surtout utilisés par les Britanniques (qui baptisèrent l’appareil « Bullet » en raison de la forme de sa casserole d’hélice) et les Russes, qui s’en montrèrent très satisfaits. En France, le Morane N fut notamment utilisé par Eugène Gilbert (qui avait baptisé son Morane « Le Vengeur ») et par le Commandant Brocard. Le Morane L avec lequel Georges Guynemer obtint sa première victoire n’était pas équipé de ce système, mais était un biplace dont l’observateur jouait le rôle de tireur à la carabine.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la société dut travailler pour l’occupant en produisant notamment des avions, dont le Fieseler Fi 156.
La société développe le MS.880 Rallye dont le prototype original effectue son premier vol le 10 juin 1959.
Durant les années 1960, elle met au point le biréacteur quadriplace MS.760 Paris.
La société devient une filiale de Sud-Aviation (ancêtre de l’Aérospatiale) le 20 mai 1965 et cède la place en 1966 à la Socata, la Société de Construction d’Avions de Tourisme et d’Affaires, une filiale de Sud-Aviation à Tarbes.
Le Morane type H
Dérivé du Morane type G, le H n’en diffère que par une voilure légèrement plus petite et par son moteur plus puissant de 80 Ch, et de quelques améliorations de détails
Le Morane H est présent parmi d’autres avions au Salon 1912 au Grand Palais. Il fait partie d’une famille d’appareils monoplans dessinés par Saulnier cette même année.
C’est la version monoplace du Morane type G. Le ministère de la Guerre passe commande de vingt-six Type H, dont certains serviront pendant la première année de la guerre, quelques-uns participant à la défense de Paris à l’automne de 1914 avec un armement limité au révolver ou à la carabine emportée par le pilote.
Le Type H était généralement propulsé par des moteurs rotatifs Gnome ou Le Rhône de 80 ch. Sa légèreté associée à un moteur puissant rend le type H très populaire parmi les pilotes qui l’utilisent pour accomplir de grandes performances.
Dès 1913, les Morane-Saulnier font maintes fois la une des journaux. C’est ainsi que, le 20 septembre, Gustave Hamel remporte l’Aerial Derby de Grande-Bretagne à la moyenne de 122 km/h. En Juin de la même année, Brindejonc des Moulinais parcourt les 1 360 km qui séparent Villacoublay de Varsovie, en un peu plus de 13 heures avec deux escales (Wanne et Berlin), puis il décolle pour St Petersbourg, Stockholm, Copenhague, La Haye et rejoint Paris le 2 Juillet, après un périple de 5 000 km en Europe sans aucun problème mécanique.
En Octobre 1913, le Lt Ronin décolle de Paris pour transporter le courrier à Pauillac, près de Bordeaux, où se trouve amarré le navire Peru qui doit appareiller pour les Antilles, il accomplit ainsi le premier lien postal aérien à bord d’un Morane type H. Le Morane H, c’est aussi l’avion avec lequel Roland Garros a traversé la méditerranée le 23 septembre 1913 entre Fréjus et Bizerte soit un vol de 700km dont 500km au-dessus de la mer. Il ne lui reste que 5 litres d’essence lorsqu’il se pose à Bizerte après 7h53 de vol. La même année, Marc Pourpe relie les 2 200 km du Caire à Khartoum en cinq étapes.
Roland GARROS et le Morane H
Roland Garros
On ne peut dissocier l’histoire du Morane H , de celle de Roland GARROS qui réalisa l’exploit de traverser la Méditerranée à son bord le 23 septembre 1913.
Au printemps 1913, Garros part en vacances sur la côte d’Azur retrouver, avec sa compagne Marcelle Gorge, les décors de son adolescence. Mais il ne peut s’empêcher de participer à la coupe que son ami Jacques Schneider, le commissaire de son premier record d’altitude, vient de créer pour les hydravions. Il n’en tirera que la satisfaction d’avoir pu tenir tête avec un modeste moteur de 60 cv à des appareils beaucoup plus puissants.
Le 23 septembre 1913, Roland Garros passe à la postérité pour avoir réussi la première traversée aérienne de la Méditerranée en 7 heures et 53 minutes. Son amie Marcelle est la seule femme et la seule civile présente sur le terrain du Centre d’aviation de la marine de Fréjus d’où il prend l’air.
Jean Cocteau, qui écrira plus tard sur Roland Garros le long poème intitulé « Le Cap de Bonne Espérance » y évoque la « jeune femme au manteau de skungs ».
Le Morane décolle à 5 heures 47, alourdi de 200 l d’essence et de 60 l d’huile de ricin. Garros part à la boussole, avec un moteur qui subit deux pannes, au large de la Corse et au-dessus de la Sardaigne. Il lui restera 5 litres d’essence quand il se posera à Bizerte.
Le décollage de Fréjus le 23 septembre 1913 à 5h47
À Marseille, puis à Paris, l’aviateur est accueilli en triomphe. Il faut dire qu’après cet exploit, le vainqueur de la Méditerranée deviendra la coqueluche de la France et du tout-Paris. Cocteau qui, comme l’a dit Jean-Jacques Kihm, l’un des meilleurs connaisseurs du poète, « avait une véritable passion d’être l’ami des gens les plus célèbres de son temps », a réussi à se faire présenter au héros de la Méditerranée, qui l’emmènera plusieurs fois en avion.
Tous ses pairs les plus prestigieux félicitent l’aviateur de son exploit, et déjà, la presse évoque les premières lignes aériennes, qui ne verront réellement jour qu’après la guerre. Les 39 km de la traversée de la Manche ne datent que de quatre ans. Il faudra attendre six ans… et une guerre, pour la première traversée aérienne de l’Atlantique, le 15 juin 1919, par les Britanniques Alcock et Brown (bien avant celle de Lindbergh).
J’ai piloté le « H »
Le Morane « H » est un appareil suffisamment rare pour lui interdire tout vol non absolument nécessaire, et ceci est assez malheureux du fait que, bien que d’un pilotage un peu particulier, il constitue une machine très agréable à utiliser.
La première chose à faire est évidemment de mettre le moteur en marche, mais auparavant, il est nécessaire de nettoyer le collecteur d’allumage, une couronne métallique située à l’arrière du carter, à l’aide d’un chiffon imbibé d’essence. Et encore avant cela, il est utile de vider les cylindres de toute trace d’huile, celle-ci devant normalement tomber sur les épaules de celui qui, accroupi dans une position bizarre, tient le chiffon pendant que l’un de ses copains tourne l’hélice, donc le moteur puisque celui-ci est rotatif.
Ceci étant fait, le pilote monte à bord, difficilement d’ailleurs, ouvre l’huile, ouvre l’essence de seulement deux tours et demi, et avance la manette de puissance de façon à faire couler un petit filet d’essence. Le mécanicien fait alors tourner l’hélice suffisamment vite pour que l’aspiration soit effective puis, alors que ses bras commencent à fatiguer, crie « Contact ». Le pilote met alors le bouton ad-hoc en avant, le mécano donne un dernier coup d’hélice, et le moteur démarre à la première sollicitation, tout au moins s’il a été convenablement préparé. On réchauffe ensuite deux à trois minutes, on contrôle le moteur pleins gaz, puis on fait enlever les cales et on décolle.
Le décollage est extrêmement court, à peine plus de 75 mètres sans vent, l’énorme hélice, qui tourne à seulement mille tours/minute, possédant un excellent rendement. La montée est pourtant assez lente, à une vitesse que j’estime à soixante-cinq kilomètres à l’heure, une estimation rendue quelque peu aléatoire pour cause d’absence totale du moindre instrument de bord. Une fois en vol, il est absolument impossible de lâcher la commande de profondeur, celle-ci, entraînée par la gouverne monobloc, venant invariablement et immédiatement en butée avant, mais à part cela, l’avion répond bien, mis à part autour de l’axe de roulis, la torsion des ailes ne fournissant qu’un effet limité pour un effort très important de la part du pilote.
En fait, si l’avion accepte d’incliner sous la seule action de sa commande de gauchissement, il aime moins revenir au vol horizontal, le roulis induit dû à la différence de vitesse des deux ailes, en virage, tendant à le lui interdire. Qu’à cela ne tienne, le palonnier, donc la gouverne de direction se trouve là pour pallier à ce manque d’efficacité.
Le Morane « H », curieusement, est assez rapide en palier, puisqu’il vole beaucoup plus vite qu’un Blériot XI, par exemple, la croisière du « H » devant avoisiner les 120 Kilomètres à l’heure, ce qui constitue une valeur particulièrement élevée pour un tel avion.
Il serait inintéressant de disséquer les effets des commandes et les évolutions permises, celles-ci se limitant aux montées, paliers, virages à faible inclinaison et descente, mais je dois dire que l’un des charmes particulier de l’avion est dû à son moteur, un 80 « Le Rhône » à neuf cylindres, évidemment rotatif. Ce moteur, en effet, si l’on oublie ses petits inconvénients, sa consommation d’huile par exemple, ou son potentiel un peu limité, possède d’énormes qualités:
Tout d’abord, il ne vibre pratiquement pas, ce qui surprend toujours quand on pense à la masse en mouvement; de plus il n’émet aucun des joyeux bruits d’échappement communs à ses petits camarades, mais une sorte de bruissement dû autant à son hélice qu’au mouvement de ses cylindres.
Et puis il ne s’arrête que sur ordre de son pilote ou quand il manque d’essence ou d’huile, ce qui est bien agréable pour un pilote au courant du fait que son « moulin » date d’une période assez imprécise, mais comprise entre 1910 et 1917.
Pour se poser on réduit, mais pas trop pour ne pas laisser le moteur s’arrêter, encore que, dans ce cas, une simple remise en avant de la manette, permettrait la reprise de puissance, on descend sans trop diminuer la vitesse, puis on arrondit et on se pose légèrement câbré, mais surtout pas en position « trois points », afin d’éviter d’atterrir à la suite d’un décrochage, celui-ci se montrant particulièrement brutal avec le type de profil d’aile utilisé.
Une fois au sol, un filet de moteur suffit à souffler la gouverne de direction pour maintenir la direction, puis à se diriger à peu près si le vent est nul, et pas du tout s’il y en a. Après cela, le moteur s’arrêtera si la manette de puissance est réduite à fond ou si la magnéto est coupée.
Il ne restera alors plus qu’à fermer les robinets d’huile et d’essence puis à effectuer la partie la plus difficile du vol : Descendre de l’avion sans rien abimer et sans se casser la figure et ensuite aider le mécanicien à nettoyer l’huile généreusement dispersée dans et autour du capot moteur.
Le « H » en vol